Oui mais non

Je passe une dernière matinée à l’atelier : ce ne sera pas prêt pour aujourd’hui. Seule la galerie est terminée, il reste les barres de protection à l’intérieur et les coffres à finaliser. Tant pis, on a déjà trop traîné à Agadir, on file maintenant vers le sud et on repassera plus tard pour le reste.

Enfin, on ne part pas tout de suite : l’intérieur du camion a beaucoup souffert des travaux et il faut tout ranger et nettoyer. TT s’attelle courageusement à la tâche pendant que les filles passent une dernière après-midi à la piscine de l’hôtel. En fin d’après-midi, tout est prêt. Mais les réserves dans le camion ont bien diminué et nous devons ravitailler au supermarché du coin. Lorsque le frigo est à nouveau bien rempli, il est déjà tard. L’obscurité tombe et nous décidons de passer la nuit ici, sur le parking. Première nuit dans le camion depuis bien longtemps !

Voilà qu’à minuit : toc-toc-toc. Je n’ouvre pas. Une ombre passe derrière le camion, j’interpelle par la fenêtre ouverte : "Oui ?" C’est un garde. "Monsieur, vous ne pouvez pas rester ici, c’est interdit." Interdit, elle est bien bonne celle-là, voilà plus d’un mois qu’on est au Maroc, ça ne nous est encore jamais arrivé ! "Pourquoi ?" "Ah mais Monsieur, c’est pas moi, c’est le chef qui l’a dit, c’est interdit." "Ah bon ? Mais il n’y a rien d’indiqué..." "Oui mais c’est INTERDIT." "Oui mais bon il est minuit, mes enfants dorment, je ne veux pas les réveiller." "Mais c’est IN-TER-DIT !" "D’accord, j’ai bien noté que c’est in-ter-dit, mais je ne vais quand même pas bouger."

Devant le caractère manifestement obtus de mon inébranlable inertie, il s’en va, mécontent. Je le vois discuter au loin avec ce qui, probablement, doit être le chef en question. Ensuite il revient vers le camion. Il s’arrête à l’arrière, fait mine de prendre note de notre plaque d’immatriculation, puis il s’éloigne à nouveau. A tout moment on s’attend à voir débarquer les forces de l’ordre, mais on finit par sombrer dans le sommeil.